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Dans une entrevue exclusive avec Telecom Review Afrique, Brahim Ghribi, responsable des relations gouvernementales et des affaires politiques pour le Moyen-Orient et l'Afrique, discute du parcours de l’Afrique en termes de très haut débit, la 5G et ses règlementations, le rôle de Nokia dans les projets de câbles sous-marins, en plus du Global Gateway, pilier de la nouvelle stratégie européenne.

Quels sont les grands défis qui entravent encore le développement du très haut débit en Afrique aujourd’hui à grande échelle ?

L’Afrique compte aujourd’hui 1,4 milliard d’habitants soit 18% de la population mondiale et a plusieurs atouts pour jouer un rôle considérable en tant que locomotive de l’économie mondiale. Cependant, l’Afrique reste le continent le plus enclavé numériquement.  

D’abord, d'énormes efforts sont nécessaires pour l'extension de la couverture et la modernisation des réseaux afin de couvrir le plus grand nombre possible d'habitants. Près de 80% de tous les investissements nécessaires pour atteindre l'accès universel à la connectivité haut débit est directement lié à la nécessité de déployer et de maintenir des réseaux haut débit selon le groupe de travail de la Commission sur le haut débit « Africa Moonshot », dirigé par la Banque mondiale.

Cela nécessite une bonne planification et coordination, une attention particulière aux choix technologiques et solutions adoptées, et la mise en place du cadre règlementaire juridique et financier adéquat favorisant les investissements dans les réseaux.

L’Afrique a besoin de mener sa révolution industrielle, qui passera par des infrastructures de télécommunications fiables, sécures, et adaptées aux usages de demain. Les projets gouvernementaux doivent non seulement adresser les infrastructures, mais aussi les secteurs vitaux de l’économie (éducation, santé, administrations, énergie, logistique, industrie…) qui bénéficieraient de la transformation numérique.

L'avènement de l'ère 5G dans la région est une question de « quand » plutôt que de « si ». Qu'est-ce qui freine le déploiement de la 5G sur l'ensemble du continent africain ? Et comment Nokia participe-t-elle aux efforts déployés pour résoudre certaines des questions réglementaires en suspens ? 

Il faudra naturellement encore quelques années pour que la 5G devienne largement disponible en Afrique. La plupart des pays sont entrain de définir une feuille de route 5G. Chaque pays est différent, et la stratégie 5G doit s’adapter au contexte local, et au besoin des opérateurs et de la population. Dans ce cadre, nous travaillons avec nos clients et partenaires en Afrique pour les supporter dans cette transition vers la 5G. D’une autre part, nous contribuons aux échanges et consultations techniques menées par les différents régulateurs et institutions régionales et internationales afin de garantir des stratégies 5G cohérentes entre pays, et en phase avec les standards 3GPP et les recommandations de la Conférence Mondiale des Radiocommunications. Dans ce contexte, il y a trois priorités à mettre en avant :

  1. Il est essentiel d'accélérer l'identification et l'attribution du spectre au haut débit mobile. Plus de spectre devra être disponible pour la 5G dans les bandes de fréquences hautes, moyennes et basses. Des conditions favorables d’accès aux bandes de fréquences pour la 5G inciteront aux investissements, et auront certainement des avantages économiques à moyen et long terme plus importants que les éventuelles retombées immédiates de couts de licences prohibitifs.  
  2. Moderniser les règles de déploiement des infrastructures de télécommunications. La 5G nécessite une multitude de configurations de sites selon les usages (sites cellulaires concentrés et denses, des petites configurations cellulaires ciblées, etc.). La réplicabilité des processus et la simplification des régimes d'installation pour les différentes configurations de cellules peuvent aider à réduire considérablement les délais et les coûts de déploiement. En simplifiant aussi les règles de déploiement de la fibre optique et d’accès aux fréquences radio pour les réseaux de transmission et de backhauling supporteraient d’avantage la demande croissante du trafic 5G.
  3. Veiller à ce que de nouveaux modèles commerciaux et services puissent prospérer. Les opérateurs 5G ont besoin d’expérimenter les différents cas d’usage de la 5G, et les business modèles adaptés en particulier lorsqu'il s'agit d'aborder le développement collaboratif et écosystémique des applications industrielles. Les régulateurs pourraient aussi favoriser les accords commerciaux entre opérateurs qui souhaiteraient partager les infrastructures particulièrement dans les zones desservies.

Nokia est un acteur majeur dans le secteur des câbles sous-marins, et a joué un rôle important jusqu’à présent à connecter l’Afrique aux autres continents. Quel est le rôle des États dans les systèmes de câbles sous-marins et la connectivité numérique ? Une intervention plus forte des États est-elle nécessaire et que pensez-vous des réglementations locales et nationales ?

L'Afrique est une longue histoire pour Nokia ASN (Alcatel Submarine Networks) : nous avons déployé la majorité des câbles sous-marins autour du continent. Le câble sous-marin 2Africa que nous déployons actuellement est à la pointe de la technologie, et représente le plus grand projet sous-marin au monde, et vise à connecter à ce jour 33 pays d'Afrique, du Moyen-Orient et d'Europe.      

Les états jouent un rôle important dans la réussite et l’accélération des projets de câbles sous-marins.   L'obtention d'autorisations et de licences est une étape majeure. Par exemple :

  • Licences d'exploitation – pour être en mesure de fournir des services de télécommunications dans un pays donné.
  • Permis d'atterrissage – pour atterrir un câble à un endroit particulier.
  • Autorisations opérationnelles – liées à la période de déploiement du système.
    • Sur les eaux internationales, il y a des règles à respecter.
    • Lors de l'entrée dans les zones économiques exclusives ou dans les eaux territoriales, il y a de nombreuses licences à obtenir et des règles à respecter tant sur le plan environnemental qu'économique.

Quelle valeur ajoutée peut apporter le EU Global Gateway à l’Afrique de manière générale et précisément au secteur TIC et quel rôle peuvent jouer les entreprises européennes telle que Nokia ?

Le Global Gateway est un pilier de la nouvelle stratégie européenne mobilisant jusqu'à 300 milliards d'euros d'investissements entre 2021 et 2027, et visant à soutenir une reprise mondiale durable, en tenant compte des besoins des partenaires et des intérêts propres de l'UE. Dans ce cadre, l’Europe vise à soutenir l'Afrique pour une reprise et une transformation fortes, inclusives, et vertes.

Nokia a contribué activement à promouvoir une étroite collaboration entre l’Europe et l’Afrique en participant a plusieurs groupes de travail tels que l’EU-AU Digital Economy Task Force ainsi que la Coalition du numérique pour le développement. Ces efforts ont permis de positionner le numérique en tant que thème prioritaire du Global Gateway. L'UE, ses États membres et les institutions financières européennes travailleront ensemble pour soutenir des projets concrets et transformationnels identifiés conjointement dans des domaines prioritaires incluant le secteur TIC.

Nous continuons sur cet élan avec nos partenaires Africains et Européens afin d’accélérer les investissements dans les infrastructures et de garantir un accès universel au très haut débit en Afrique.   Nous pensons aussi que le Global Gateway contribuerait à faciliter l'accès au financement et aux services de soutien aux entreprises et stimuler l'entrepreneuriat numérique en Afrique.

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