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La course de vitesse bat son plein entre les opérateurs mondiaux pour la mise en place et le déploiement de la 5G, mais la réalité sur le terrain reste en deçà des espérances.

La France a rejoint la course de vitesse pour se connecter à la nouvelle génération de téléphonie mobile 5G. Avant elle, plusieurs pays avaient déjà commencé à la déployer, avec cependant des fortunes diverses. Les opérateurs américains ont ainsi été parmi les premiers à lancer des offres commerciales dans quelques villes du pays, avant même la sortie des premiers smartphones qui lui sont compatibles, et ce avec un résultat très mitigé.

Pire, le déploiement dans certains endroits a poussé les opérateurs à annoncer de la 5G quand dans les faits il ne s’agissait que d’une 4G améliorée.

« Il risque d’y avoir des retours de manivelle, les consommateurs vont bien découvrir que l’on se moque d’eux en annonçant une 5G qui, en fait, n’existe pas encore », craint Stéphane Téral, directeur exécutif de la recherche sur l’industrie mobile pour le cabinet IHS Markit.

« Si un opérateur lance des offres spécifiques, les autres suivent très vite, de peur de perdre des abonnés s’ils n’agissent pas », détaille Samer Mourad, analyste pour le cabinet Analysys Mason. « Il peut y avoir de la déception chez les clients mais si tous les opérateurs lancent leur réseau 5G de même qualité et au même prix, il y a moins de risque de perdre des clients. »

Une course de vitesse qui peut aussi ressembler à de la précipitation, provoquant parfois des ratés : au Royaume-Uni, lors du lancement de la 5G, les débits reçus étaient inférieurs à ceux de la 4G.

« Nous en sommes au tout début », rappelle cependant Samer Mourad. « Les opérateurs tentent de lancer rapidement de nouveaux services mais dans la réalité, il faut du temps pour rendre cette technologie accessible à tous. »

Avec un risque : donner l’impression de s’engager sur une technologie qui n’est pas encore prête, alors que l’ensemble de l’industrie travaille toujours à des normes communes pour la partie centrale, qu’on appelle le « cœur de réseau ».

« Nous avons retardé les spécifications liées au cœur de réseau afin de permettre les premiers lancements », reconnaissait un membre de l’organisme international de coopération regroupant toute l’industrie afin de mettre en place les normes.

Et l'Afrique ? Est-elle prête ? Elle est volontaire en tous cas et les investissements dans l’amélioration des réseaux et les tests techniques se multiplient. En novembre dernier a été clôturée la 38e conférence mondiale des radiocommunications. Un énorme rendez-vous où l'on se répartit les fréquences sur la planète. Et pour la première fois, elle était organisée sur le sol africain, à savoir à Charm-el-Cheikh en Égypte, avec de nombreux représentants du continent. « La 5G n’a pas de frontières », en marge du congrès ; Gilles Brégant, directeur général de l’ANFR (Agence française des fréquences) évoque un intérêt important au Maghreb et dans les pays du Golfe de Guinée et se dit assez optimiste sur un déploiement rapide de la 5G dans les grandes métropoles africaines, où la demande est très forte, notamment chez les nombreux utilisateurs de téléphones portables. Le déploiement de nouveaux satellites de télécommunications grâce aux projets Oneweb ou SpaceX pourrait aider à alimenter en réseau internet des zones jusque-là non couvertes.

L’opérateur télécom Vodacom Lesotho avait d’ailleurs annoncé le lancement du premier réseau commercial 5G après avoir obtenu du gouvernement une fréquence dans les bandes 3,5 GHz. Une fois que les appareils  compatibles à la 5G seront plus facilement disponibles, Vodacom Lesotho publiera une carte de couverture de toutes les zones couvertes par elle.

Dans le cas du Maroc, les experts du secteur des télécoms indiquent que le royaume est parmi les pays les plus avancés, en termes d’innovations technologiques pour son déploiement. Les opérateurs télécoms du Maroc ont ainsi fait appel aux plus grands noms du domaine, afin de les fournir, mais aussi développer l’infrastructure actuelle du réseau. Il est vrai que certaines régions du pays ne disposent toujours pas de la couverture réseau basique, mais cela devrait s’arranger avec la 5G, qui promet une couverture à 100 %, en plus d’un accès 24h/7 j.

En Corée, une adoption patriotique

Les blocages peuvent être indépendants des opérateurs. Le déploiement peut buter sur les inquiétudes de la population concernant les risques sanitaires des ondes.

Conséquence : si l’opérateur Sunrise, en Suisse par exemple, annonce officiellement 250 villes et villages couverts, il n’avait en réalité déployé que 300 antennes 5G fin octobre 2019, là où la couverture de la Corée du Sud en a nécessité plusieurs dizaines de milliers.

Ce pays fait d’ailleurs office d’exception et d’exemple systématique pour le secteur quand il s’agit de souligner les possibilités commerciales pour les opérateurs. Après un déploiement express qui a permis aux trois opérateurs – SK Telecom, KT et LG Uplus – de couvrir la quasi-totalité du pays en 5G, les abonnés se sont précipités sur les offres mobiles, pourtant plus onéreuses qu’en 4G, avec plus de trois millions d’abonnements souscrits en à peine 6 mois.

« Les débits sont importants et le taux d’adoption est là, on a affaire à quelque chose de très sérieux », convient Stéphane Téral. « Mais dès que l’on bouge un peu, le temps de réponse diminue immédiatement », altérant ainsi la qualité de la connexion : un problème dans un pays où l’utilisation de la vidéo et des jeux sur mobile est massive dans les déplacements du quotidien.

« La Corée est un pays très particulier, entourée d’autres plus ou moins hostiles. Quand le gouvernement annonce quelque chose, tout le monde s’y met, industriels comme population. La 5G, c’est un élément de fierté nationale », souligne Téral, pour qui il s’agit d’un « modèle qui n’est pas reproductible ».

Un autre pays pourrait cependant aller dans le même sens : la Chine, où la 5G a été lancée dans les 50 principales villes du pays et où 300 sont prévues pour 2020.

Dans le contexte de guerre économique avec les États-Unis, la course à la 5G face au rival est aussi devenue un enjeu patriotique, qui pourrait inciter la population à s’y convertir massivement.

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